Textes de Loi

Dans la loi n°70-459 du 4 juin 1970, relative à l’autorité parentale et reconnaissant pour la première fois l’égalité de statut entre père et mère, l’article 371-4 stipule que:

« Les père et mère ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents. A défaut d’accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal.

En considération de situations exceptionnelles, le tribunal peut accorder un droit de correspondance ou de visite, à d’autres personnes, parents ou non. »

Le terme « grands-parents » apparaît explicitement dans le texte et bien que ce ne soit pas rigoureusement écrit ainsi, cette version antérieure de l’article de loi 371-4 est vue comme un droit des grands-parents par rapport à l’enfant. Le « droit de correspondance » sera par le futur un peu plus délaissé.

 

Retournement de situation par loi du 4 mars 2002 : rigoureusement ce ne sont plus les grands-parents qui ont un droit, comme l’expression « droit des grands-parents » l’affirme encore, mais « l’enfant [qui] a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. » « Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit. Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ».

L’enfant est mis au centre du débat comme signe d’un souci de l’avenir : si en théorie, l’intention est louable, en pratique, cela revient à mettre explicitement l’enfant au centre de la procédure, alors qu’il n’est pas en mesure de prendre conscience de « son » droit, ni d’en mesurer les enjeux.

 

La référence aux "ascendants" signifie bien que, avec la longévité croissante de nos sociétés occidentales, même les arrière-grands-parents auraient le droit d'interférer dans la cellule familiale.

 

En 2007, une nouvelle version de l’article de loi 371-4 supprime la notion de « motifs graves » sous l’impulsion de la mission Famille de 2005 et substitue à cette phrase « Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit". L’objectif théoriquement visé est d’éviter aux familles d’avoir à justifier d’un motif grave, ce qui amplifie généralement le conflit familial par la recherche de témoins intrafamiliaux, et de conditionner la relation grand-parent à petit-enfant à l’intérêt de l’enfant uniquement.

  

Malheureusement, même si l’intention de pacification est très probablement présente chez les députés ayant proposé cette nouvelle version de l’article de loi 371-4, cette modification sémantique ne peut apaiser les tensions familiales: les grands-parents ou les parents chercheront toujours l’appui d’autres membres de la famille, le juge devra toujours s’appuyer sur un « motif » pour refuser un droit de visite, les parents auront toujours à le prouver pour obtenir gain de cause!

 

De plus l’« intérêt de l’enfant », expression sujette à diverses interprétations mettant le juge aux affaires familiales dans l’embarras, est-il réellement d’être l’otage d’un conflit judiciaire intergénérationnel ?

 

La dernière modification effectuée à ce jour, par loi du 17 mai 2013, ne vise pas tant les ascendants des enfants: il s’agit pour le législateur de trouver une solution au problème des recompositions familiales. En effet, au vu de la multiplication des divorces/séparations et remariage/remise en couple, le « beau-parent » a un rôle ambigu: il peut être amené à s’occuper de l’enfant dont il participe à l’éducation de fait, sans avoir l’autorité parentale et sans avoir de lien biologique, mais il n’a aucun statut officiel vis-à-vis de lui. L’article de loi 371-4 lui donne donc maintenant la possibilité de faire reconnaître son lien à l’enfant.

  

Sans disserter plus longuement sur les conséquences dramatiques que cette nouvelle modification pourrait induire en cas de grands-parents et beaux-parents malintentionnés, il est à déplorer que la Famille soit l’objet d’une judiciarisation rampante au détriment des seuls parents, judiciarisation qui ne fait qu'aggraver les conflits latents entre ses membres.