Nos alertes sur le 371-4 C. civ.

Notre association considère que l’intérêt supérieur de l’enfant sera respecté, si et seulement si, son environnement répond adéquatement à ses besoins fondamentaux. Il appartient aux parents de veiller à cette adéquation, tel que le stipule l'article 371-1 C. civ. sur l'autorité parentale: le devoir d'un parent est de protéger son enfant.

 

Alors quid des grands-parents ? 

 

Les grands-parents ont un rôle soutenant et formidable lorsqu'ils sont en bons termes avec les parents et respectent les besoins fondamentaux des enfants. Lorsque ce n'est pas le cas, l'intérêt supérieur de l'enfant est d'être protégé du conflit entre adultes. Au-delà de l'aspect judiciaire, notre association défend l'apaisement, la prise de recul et le recours à des professionnels du soin pour améliorer la qualité de la relation des grands-parents avec tous leurs descendants.

 


Que dit la loi ?

 

Livre Ier : Des personnes

Titre IX : De l'autorité parentale

 

Chapitre Ier : De l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant (Articles 371 à 381-2)

 

Article 371-4 modifié par LOI n°2013-404 du 17 mai 2013 - art. 9 (Version en vigueur depuis le 19 mai 2013) :

 

 

« L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.

 

Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. » source Légifrance

 

Il n'existe donc pas de « droit à l'enfant » pour le grand-parent, pas plus de « droit de grand-parent »: il s'agit légalement d'un droit de l'enfant. Mais en pratique, l'enfant ne pouvant s'en saisir, l'action en Justice des grands-parents pour faire valoir son droit est permise. Seul son intérêt peut faire obstacle à son propre « droit ».

 

Aux questions écrites posées par des députés à la suite des alertes de notre association,  le Garde des Sceaux précise en effet :

 

« L’article 371-4 du Code civil souligne ainsi de manière expresse que « Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit ». Ce critère a remplacé le précédent critère selon lequel « Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit ». Désormais, il suffit qu’il soit contraire à l’intérêt de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents pour refuser à ces derniers d’exercer ce droit. Cet assouplissement conduit à placer la préservation de l’intérêt de l’enfant, et non le droit des grands-parents, au cœur du dispositif.  »

 

Mais cet article est interprété par jurisprudence comme une présomption d'intérêt pour l'enfant à voir ses grands-parents. Elle laisse les magistrats libres d'appréciation, voire contraints à une appréciation subjective de l'intérêt de l'enfant, alors qu'il existe un tabou de société extrêmement fort sur la violence intrafamiliale que peuvent exercer certains grands-parents envers leurs descendants.

L'association La Dérive 371-4 alerte sur le fait qu'aucune étude d'impact n'a jamais prouvé le bénéfice de l'utilisation de cet article de loi

vis-à-vis de l'intérêt de l'enfant. 

 

Le lien entre cet article de loi, la violence intrafamiliale et la maltraitance infantile, reste donc méconnu…

Au sujet de la violence intrafamiliale intergénérationnelle

 

L'approche classique des Violences Intrafamiliales met de côté l'aspect intergénérationnel ou transgénérationnel de la violence. Pourtant, « 24 % des Français de plus de 18 ans estiment avoir été victimes de maltraitances graves dans leur enfance (sur un échantillon de 1000 Français) ». Sachant que l'auteur de maltraitance infantile est très souvent - mais pas exclusivement - l'un des deux parents, que se passe-t-il lorsque celui-ci accède au stade de « grand-parent » ?

 

 

Les pressions ou violences physiques et/ou psychologiques dont l’enfant ou l’un de ses parents, du temps de son enfance, a été victime, sont très fréquentes dans les procédures initiées au titre du 371-4 C. civ. dont nous avons eu connaissance. Cet article permet à ces anciens parents - toujours - défaillants de prolonger leur maltraitance envers leur enfant devenu parent, par une instrumentalisation judiciaire qui s'accompagne en huis clos de (sans exhaustivité) : chantage au procès, chantage affectif/au suicide, chantage financier, harcèlement (envoi de mails, appels à des heures indécentes, suivi dans la rue, dénigrement auprès de l’entourage familial), coups, insultes. Envers les petits-enfants, il s’agira essentiellement de conflits de loyauté (rivalité avec le parent, dénigrement du rôle parental), de violence psychologique plus généralement (chantage affectif, dénigrement, insultes), voire de violences physique ou sexuelle.

 

À cette problématique de violence intergénérationnelle des ascendants vers les descendants, s'ajoute également un décalage fort en matière d’éducation entre les échelles de valeurs d’autrefois et d'aujourd’hui : les Violences Educatives Ordinaires (VEO) sont depuis quelques années pointées du doigt, les liens d'obligation familiale ont laissé place à des liens d'affinité, le bien-être de l'enfant prend de plus en plus d'importance, et certaines problématiques de société ont changé. Les prérogatives parentales en matière d'éducation sont parfois contestées par certains grands-parents, qui revendiquent une plus grande expérience et exigent une première place dans les choix éducatifs, sans se remettre en question eux-mêmes. Ces grands-parents demandent très souvent des droits d’hébergement équivalents à ceux qu’obtiendraient des parents divorcés (ce qu'ils ne sont pas !) : ces demandes exorbitantes créent un sentiment d’insécurité fort, chez les parents comme chez les enfants. Ce comportement est dysfonctionnel vis-à-vis de la généalogie de l'enfant. Sans remettre en question l'expérience quantitative des grands-parents, mais afin qu'il y ait cohérence éducative autour de l'enfant, en adéquation avec son époque, les parents, toujours titulaires de l'autorité parentale, doivent rester les référents d'éducation de l'enfant. 

 

Une analyse québécoise - le Québec possédant un équivalent législatif au 371-4 C. civ. - aboutit à la même analyse : « le recours au critère de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les demandes de droit de visite présentées par des personnes sans autorité parentale [est critiqué] :

[TRADUCTION] Toute intervention fondée uniquement sur la norme de l’intérêt supérieur de l’enfant, sans que l’existence d’un préjudice ait été établie, constitue une atteinte inconstitutionnelle au droit des parents d’élever leur enfant conformément à leurs propres valeurs. Mises à part les réserves d’ordre constitutionnel, les préoccupations d’intérêt public devraient l’emporter sur l’examen des demandes de droit de visite présentées par des grands-parents qui sont fondées uniquement sur l’allégation que ces contacts sont dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

  

C'est pourquoi, dans le cas de familles dysfonctionnelles et/ou de maltraitance infantile passée ou actuelle, la protection de l’enfant peut parfois nécessiter de prendre des distances avec les grands-parents.

 

Au sujet de l'intérêt de l'enfant

 

 

La maltraitance que certains grands-parents exercent envers leurs descendants a un impact fort sur la vie de la famille nucléaire, et sur l'enfant témoin ou victime. Recueillir sa parole, être attentif aux signaux d'alerte qu'il peut émettre est donc vital pour stopper la propagation de la violence intrafamiliale. 

 

 

 

Quid de la parole de l'enfant ?

L’enfant n’est consulté que si le Juge aux Affaire Familiales (JAF) l’estime être en « âge de discernement », notion floue et très variable et qu’on ne peut réellement apprécier qu’en connaissant de très près l’enfant. Son avis est consultatif : lorsqu'il s'oppose au Droit de Visite et d'Hébergement (DVH) des grands-parents, le tribunal n'en tient pas nécessairement compte.

La Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE) précise, article 12 : « 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. ».

En France, le retour d’expérience montre que la demande d’audition de l’enfant est plus fréquemment acceptée par le JAF à partir de 11 ans environ. Or notre récente enquête auprès des parents révèle qu’en moyenne un enfant est âgé d'environ 4 ans lorsque ses parents sont assignés. De plus les parents nous rapportent que 78.8% des enfants refusent de se rendre au DVH des grands -parents et que 15.1% qui sont trop jeunes pour s’exprimer verbalement. Soit 93.9% d’enfants dont l’avis n’est pas pris en compte. En conclusion, attendre les 11 ans de l’enfant pour entendre leur avis permet statistiquement de favoriser les demandes des grands-parents sans tenir compte du vécu réel de l’enfant avec ceux -ci. Le « droit » de l’enfant à entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents devient un devoir. Ce lien forcé entre grands-parents maltraitants et enfant victime nuit au lien d'attachement parent-enfant, et vient détruire le sentiment de sécurité de l'enfant : "pourquoi mon parent ne me protège-t-il pas?"

 

Quel respect de la vie privée de l'enfant ?

Le droit français et européen s’accorde mal avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) qui est plus explicite sur le contexte de compréhension de l’intérêt de l’enfant et annonce en préambule : « l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension », critères qui ne sont clairement plus remplis lorsque les grands-parents 371-4 participent de force à leur vie de famille. Il est considéré en effet que les petits-enfants font partie de la vie privée des grands-parents. Le droit de mener une vie familiale normale est lié, dans les décisions du Conseil constitutionnel, au droit au respect de la vie privée fondé sur l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) qui mentionne, parmi les « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme », la « liberté »2, impliquant « le respect de la vie privée ». Dans la jurisprudence constitutionnelle, le droit au respect de la vie privée est entendu de manière classique, comme « une protection contre les intrusions publiques ou privées au sein de la sphère d'intimité de chacun »

Mais l'enfant n'a pas été consulté sur son consentement à considérer ces grands-parents maltraitants comme partie intégrante de sa vie privée, dont les parents titulaires de l'autorité parentale sont les garants.

  

Au sujet des parents protecteurs

Les grands-parents peuvent donc initier une procédure 371-4 en présumant qu’il est de l’intérêt de l’enfant de les fréquenter, contre l'avis des parents, titulaires de l'autorité parentale.

 

La parentalité est définie par l’article 18 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) comme « la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement » en étant guidé « avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant ». L'autorité parentale, elle, est définie dans le Code civil par :

 

Livre Ier : Des personnes

Titre IX : De l'autorité parentale

 

Chapitre Ier : De l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant (Articles 371 à 381-2)

 

Article 371-1 modifié par LOI n°2024-120 du 19 février 2024 - art. 1 (Version en vigueur depuis le 21 février 2024) :

 

« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.

 

Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

 

L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques.

 

Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »

 

C'est donc aux parents qu'il revient d'apprécier en premier lieu l’intérêt supérieur de leur enfant et si les parents constatent que des tiers présentent un danger pour « [la] sécurité, [la] santé, [la]  vie privée et [la]  moralité » de leur enfant, ils ont le droit et le devoir d'agir, y compris vis-à-vis de membres de leur propre famille et de leurs propres ascendants. La responsabilité de l'Etat est également engagée puisque, l’article 19 alinéa 1 de la CIDE précise que « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. ».

 

Mais, étant donné que :

- la parole de l'enfant n'est que peu prise en considération,

- que les parents refusant le contact avec les grands-parents sont délégitimés dans leur rôle de protection par des accusations souvent fantaisistes d'aliénation parentale et de manipulation, et que leur parole est tout aussi peu prise en considération,

- que l'institution judiciaire n'a ni les compétences ni les ressources pour reconnaître et évaluer précisément la violence intrafamiliale systémique propre à une famille élargie sur les trois générations concernées,

toute décision qui octroierait un Droit de Visite et d'Hébergement (DVH) à des ascendants, contre les avis de l'enfant en âge de discernement concerné et de ses parents, est une violation de l'autorité parentale et du principe même de précaution vis-à-vis de l'intérêt de l'enfant.

 

La Cour de cassation a rappelé, en application de l’article 3.1 de la CIDE : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (1ère Civ., 18 mai 2005). L’article 9 de la CIDE indique « Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.» Or l'article 371-4 C. civ. n'est pas un substitut aux services sociaux, qui possèdent un cadre juridique distinct et nous ne rencontrons que peu de parents divorcés (12,1%).

 

Balancés entre leur devoir de protection de leur enfant (article 371-1 C. Civ.) et le « droit » de l'enfant à connaître ses ascendants (article 371-4 C. civ.), les parents vivent des injonctions contradictoires très fortes sur le plan législatif. Les parents qui souhaitent protéger leur enfant malgré l'octroi de DVH à des ascendants que l'enfant ne veut pas voir ou qu'ils savent être dangereux pour l'enfant, désobéissent civilement… et risquent une condamnation pénale (1 an d'emprisonnement, 15 000 € d'amende) au titre de la « non représentation d’enfants » (article 227-5 du code pénal). Ils paient ainsi le peu de preuve matérielle, qui est dans bien des cas, quasiment impossible à obtenir par des moyens légaux, alors que la violence, physique ou psychologique, est bien réelle (l'association suggère aux décideurs de passer leurs propres vacances chez les demandeurs...). Certains parents ont été condamnés à de la prison : dans quelle mesure ce type de condamnation respecte-t-il encore l'intérêt supérieur de l'enfant ? Quelle image de nos institutions et de notre société, l'enfant aura-t-il lorsque son parent protecteur est ainsi délégitimé ?

 

L’article 371-4 C. civ., et son corollaire l'article 227-5 du Code pénal, donnent donc le pouvoir aux institutions de séparer l’enfant de ses parents, en se substituant de fait aux détenteurs de l’autorité parentale, pour un bénéfice théorique qui n'est ni prouvé (pas d'étude d'impact), ni prouvable (pas de considération de la parole de l'enfant et des parents protecteurs et pas d'évaluation des conséquences post-procédures).